Le film “Petites danseuses”
“Petites danseuses” est un film documentaire réalisé par Anne-Claire Dolivet, sorti en août 2021. Il raconte la vie de filles de 6 à 10 ans rêvant de devenir danseuses étoiles.
Accès rapide : bande annonce – synopsis – réalisatrice – les 4 danseuses et leur prof – interview d’Anne-Claire Dolivet – Critique
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Bande annonce
Synopsis et fiche technique du film
Petites danseuses suit le quotidien de quatre jeunes filles. Elle suivent des cursus aménagés, que l’on appelle généralement “danse étude”. Le matin, elles se rendent en classe comme tous les autres enfants, mais l’après-midi – ou le soir pour Marie – elles rejoignent les cours de Muriel, la professeur de danse. Elles se préparent à des concours qui ont lieu dans toute la France.
- Durée : 1h33
- Réalisation : Anne-Claire Dolivet
- Scénario : Anne-Claire Dolivet et Mathias Théry
- Image : Jérôme Olivier
- Montage : Karen Benainous
- Prise de son : Eli Mittelman, Yolande Decarsin, Marianne Roussy et Manuel Vidal
- Mixage et montage son : Manuel Vidal
- Étalonnage : Gadiel Bendelac
- Musique originale : Malik Djoudi
- Musique originale additionnelle : Gwendal Giguelay
- Production : Pylaprod et Upside Film
- Production déléguée : Marie Van Glabeke, Stéphane Basset et Sébastien Deurdilly
- Producteurs associés : Bénédicte Perrot et Johan De Faria
- Le film a été réalisé en France en 2019
- Sortie : initialement prévue le 4 novembre 2020, puis reporté au 13 janvier 2021. Le film est finalement sorti le 25 août 2021
- Avec le soutien de la Région Ile de France et de la Sacem
- Avec la participation du fond de soutien du Centre National du Cinéma et de l’image animée
Film “Petites danseuses” en DVD
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Réalisatrice
Anne-Claire Dolivet
Anne-Claire Dolivet s’est dirigée vers le métier de monteuse, après des études cinématographiques et audiovisuelles à l’Université de Paris 8, où elle avait particulièrement apprécié les cours de montage de Dominique Villain. Elle a exercé pendant plus de dix ans, avec une prédilection pour le montage de documentaires et l’écriture à quatre mains.
Après ces dix années en tant que monteuse, Anne-Claire a souhaité partir en tournage, rencontrer elle-même les protagonistes, travailler en équipe et raconter ses propres histoires. Elle est devenue réalisatrice de sujets destinés à des émissions de télévision durant dix nouvelles années. Mais le format long, les histoires au long court et la profondeur qu’elles autorisent lui manquaient. Petites danseuses est son premier long-métrage.
Mathias Théry
Mathias Théry est né et a grandi à Paris. Il vient aux arts plastiques par le graffiti, qu’il pratique à partir de 13 ans dans les rues parisiennes. À 18 ans, il fait un stage à l’agence Magnum où il découvre la photographie des grands reporters. À 21 ans, il entre aux Arts décoratifs de Paris et se spécialise en photo et vidéo. Il y rencontre Alain Moreau, un professeur qui lui fait découvrir le cinéma documentaire. Il réalise un premier film sur son frère, La vie après la mort d’Henrietta Lacks, qui est remarqué en festivals.
À sa sortie de l’école, il s’associe avec Étienne Chaillou, avec qui il va réaliser quasiment tous ses films. Pendant plus de dix ans, ils se pencheront sur des sujets très variés, tels que la science et les scientifiques, les animaux, l’Histoire, l’Europe, la famille, la politique. Ensemble, ils tentent d’inventer de nouvelles formes de narration mises au service de leur film et utilisent par exemple le dessin animé, la photographie, la peinture et les marionnettes…
Ils co-réalisent notamment deux long-métrages documentaires, La Sociologue et l’ourson (2016) et La Cravate (2020). Petites danseuses est le troisième long-métrage de Mathias Théry. Ce projet vient d’une envie qu’il avait depuis longtemps d’écrire sur l’enfance et le mouvement.
Les 4 danseuses et leur professeur de danse
Jeanne
Jeanne a six ans et fait de la danse depuis qu’elle a deux ans et demi. Elle suit des cours de danse classique loisir l’après-midi, du lundi au samedi, le dimanche étant son “jour de repos”, comme elle l’appelle. Cette expression traduit le sérieux avec lequel elle aborde la danse qui a largement dépassé le statut de loisir pour elle.
Mais Jeanne laisse également planer le doute sur le plaisir qu’elle tire de cet emploi du temps très rempli pour une enfant de son âge. Avec sa petite voix hésitante, elle assure toutefois à sa mère qu’elle veut devenir danseuse pour se produire devant des milliers de gens. Elle trouve sa liberté sur scène.
Ida
Ida a dix ans et fait de la danse depuis qu’elle a quatre ans. Dans sa présentation, elle indique qu’elle a commencé à danser pour le plaisir, mais qu’elle voudrait désormais rentrer à l’Opéra ou danser dans des compagnies. Muriel a aidé d’autres enfants avant elle et Ida compte sur sa professeure de danse, en qui elle a une confiance totale, pour réaliser son rêve.
Ida est en CM2 au collège Rognoni, un établissement à horaires aménagés. Cela lui permet de pratiquer la danse à Paris tous les après-midis avec Muriel. Pour rester dans cette école, elle doit chaque année passer une audition. Cette année, sa blessure à la hanche risque de bouleverser sa vie. Ida s’interroge sur l’avenir, oscillant entre une maturité précoce et son monde de l’enfance. Elle dit avoir hâte de grandir pour “gérer tout son argent, son loyer, sa nourriture, son appartement”, mais elle voudrait également rester une enfant pour pouvoir toujours compter sur ses parents comme elle le fait encore.
Marie
Marie a onze ans. Elle est inscrite dans un collège à horaires aménagés depuis un an. Elle suit des cours au Conservatoire Régional de Paris l’après-midi. Le soir, elle rejoint le cours de Muriel pour se préparer aux concours. Cet emploi du temps est extrêmement chargé. Elle aime être sur scène, avoir un espace pour elle.
Si elle est fragile émotionnellement, Marie est également très déterminée. Elle veut faire le métier qu’elle a choisi, “parce qu’on a qu’une seule vie (…) et même si je sais que danseuse c’est dur, j’ai envie d’être heureuse et de pas avoir de regrets plus tard”. Marie est une jeune fille solidaire, très touchée par les hauts et les bas de ses camarades de danse. Nous la voyons pleurer lorsqu’Ida doit s’arrêter en plein cours à cause de la douleur, ou encore réconforter Olympe.
Olympe
Olympe a neuf ans et danse avec Muriel depuis qu’elle a quatre ans. Elle est en CE2 et débutera l’année suivante son mi-temps danse, comme sa grande soeur, Naemie. Elle danse en permanence : au milieu de la cour de récréation, en cours, dans sa chambre, comme un geste frénétique qu’elle ne pourrait contrôler. Elle en est consciente et reconnaît faire “au moins dix mille pas par seconde”.
Lorsque sa soeur l’accuse de l’avoir copiée en suivant le même parcours avec la danse, elle rétorque sans hésiter : “C’est la faute des parents. Moi, je voulais faire du théâtre”.
Olympe est une petite fille très spirituelle, persuadée de se souvenir des instants précédant sa naissance. Selon elle, elle était pressée de montrer au monde son énergie, alors qu’elle n’était pas née. Elle est également très angoissée et a beaucoup de mal à apaiser ses émotions, ce qui se traduit par des insomnies.
Elle explique avoir inventé le terme “Cavana” pour parler de la peur de la mort, afin d’éviter de prononcer ce mot. Son caractère définitif est une source d’angoisse pour elle, qu’elle visualise comme un “noir sans fin” qui l’engloutirait.
Muriel, la prof de danse
Muriel est une professeure atypique. Passionnée et exigeante, elle est également très humaine et bienveillante à l’égard de ses élèves. Son attitude est aux antipodes de celle du professeur du Conservatoire, très calme et posée. Elle refuse de faire rentrer ses élèves dans un moule et considère au contraire qu’elles se présentent avec leurs différences et leurs défauts et que sa mission est d’arriver à en faire des qualités, afin qu’elles deviennent solistes dans de grandes compagnies et puissent s’épanouir sur scène.
Muriel apprend à ses élèves une technique de danse, mais aussi une façon d’être, une philosophie de vie. Laisser ses soucis au vestiaire, aller de l’avant, dépasser la sensation de fatigue… Selon elle, les concours sont avant tout une compétition vis-à-vis de soi-même, l’enjeu n’est pas d’écraser les autres, mais de se réaliser.
Son école de danse classique est située dans le 18ème arrondissement de Paris.
Les parents
Les parents ont une place importante dans le film car leur accompagnement auprès de leurs enfants et leurs encouragements sont primordiaux. Ils font partie du récit lorsqu’ils sont auprès de leurs enfants, mais n’ont pas de scènes sans leurs filles. Si nous pouvons nous interroger au départ sur leurs motivations respectives, le récit a également pour but de nous éclairer sur ce point. Ils acceptent que leurs enfants consacrent autant de temps à la danse et passent des concours, car au-delà de la danse, cet entraînement les prépare à l’avenir, qui les confrontera assez tôt à la compétition, aux notes ou encore aux entretiens professionnels.
Interview de la réalisatrice
Comment vous est venu le désir de réaliser PETITES DANSEUSES ?
Ça fait très longtemps que j’ai envie de faire un film sur la danse. Moi-même, étant petite, je voulais être danseuse. Quand ma fille a manifesté le désir de danser à son tour, j’ai eu à coeur de lui transmettre cette passion. Et je suis tombée sur le petit cours parisien de quartier de Muriel, dont j’ai très vite compris qu’il ne s’agissait pas seulement d’un petit cours amateur de quartier : on y trouve aussi un cursus Danse Études, que les filles, à partir de neuf ou dix ans et quelquefois encore plus jeune, peuvent suivre les après-midis si elles bénéficient d’un horaire aménagé pour les études. Horaire aménagé que l’on obtient en passant un examen. C’est ça que j’ai trouvé très intéressant à la base dans le cours de Muriel : les parents y inscrivent leurs enfants comme ils les inscriraient à une activité parmi d’autres, sans enjeu, mais très rapidement, Muriel repère les enfants très douées et motivées. Avec ces élèves, elle crée une classe particulièrement intensive.
Dont font partie les quatre petites danseuses que vous suivez dans votre film.
Oui, toutes les quatre font partie de cette classe spéciale qui leur permet de se préparer à des concours qui ont lieu dans toute la France. Ces concours leur donnent l’occasion de se confronter à d’autres écoles, à d’autres niveaux. Et surtout d’être seules sur scène.
Quand j’ai assisté pour la première fois à un concours, j’ai découvert un autre monde, que je ne connaissais pas du tout, et ressenti une émotion très forte : comment ces petites filles, seules sur scènes, arrivaient-elles à faire face à ce jury, à dépasser leur trac, à s’épanouir ? Je me suis dit qu’il y avait quelque chose d’extraordinaire à raconter toutes ces heures de danse pour préparer les enfants à être deux minutes sur scène…
Comme le dit Muriel à l’un des parents, se préparer aux concours les prépare aussi à leur vie future.
C’est aussi ce que je souhaitais montrer. Pourquoi les parents acceptent-ils que leurs enfants fassent autant de danse par semaine et passent des concours ? Parce que cela fait écho à notre société, où l’on est confronté assez tôt à la compétition, aux notes, aux entretiens… Les parents se disent qu’au-delà de la danse, cet entrainement à se dépasser prépare leurs enfants à l’avenir.
Et ce, avec toutes les interrogations que cela peut susciter. Est-il normal que ces enfants vivent ces choses-là à cet âge généralement associé à l’innocence et à l’insouciance ? Pour elles, tout est hyper orchestré, elles n’ont pas une minute à elle et doivent déjà faire des choix d’adultes.
Le film n’apporte pas de réponse manichéenne à ces interrogations, notamment parce que Muriel est un sacré personnage, à la fois exigeant et très humain.
Oui, c’est un vrai personnage ! Muriel est une prof très atypique, très habitée, entière, passionnée. Elle est toujours en action, en train de crier pour encourager ses élèves.
Son attitude est aux antipodes de celle du professeur du Conservatoire, très calme et posé. Elle finit aussi épuisée que ses élèves à la fin d’un cours !
Muriel est à la fois rigoureuse et bienveillante. Je pense que c’est pour ça que les parents acceptent de lui confier leurs enfants. Elle refuse de faire rentrer ses élèves dans un moule. Elle considère au contraire qu’elles arrivent avec leurs différences et leurs défauts et que sa mission est d’arriver à en faire des qualités, afin qu’elles deviennent solistes dans de grandes compagnies et puissent s’épanouir sur scène. Elle est tellement investie et maternelle qu’elle a parfois du mal à les laisser partir.
Muriel apprend à ses élèves une technique de danse mais aussi une façon d’être, une philosophie de vie…
Oui, quand elle leur demande de sourire, ce n’est pas juste pour le spectateur. Il s’agit de sourire à la vie, de laisser ses soucis au vestiaire, d’aller de l’avant, de dépasser la sensation de fatigue. Et puis elle a l’art de fédérer ses élèves pour susciter une émulation de groupe saine et joyeuse. Pour elle, les concours sont avant tout une compétition vis-à-vis de soi-même, l’enjeu n’est pas d’écraser les autres.
Muriel sait aussi raconter à ses élèves des anecdotes avec un brio à la de Funès ! Karen Benainous, ma monteuse, trouvait important de faire ressortir sa gouaille, ses expressions très drôles. Mais il fallait faire attention à ce qu’elle n’existe pas plus que les filles. On ne suivait pas une prof avec ses élèves, on faisait le portrait de quatre petites danseuses.
Comment Muriel a-t-elle accueilli votre idée de faire ce film ?
Au départ, elle était assez méfiante, mais je l’ai rassurée en lui disant que je ne voulais pas faire un reportage télévisé mais un véritable documentaire en immersion, qui montre la vie de ce cours telle qu’elle est, sans commentaire ni jugement de valeur. Elle a donc commencé à me laisser tourner discrètement, avec un appareil photo. Cette première approche m’a permis de voir lesquelles parmi ses élèves acceptaient la caméra, avaient envie d’être filmées, étaient à même de ressortir. J’ai alors commencé à écrire mon projet.
Comment s’est passée votre collaboration à l’écriture avec Mathias Théry ?
Marie Vanglabeke, ma productrice, connaissait le travail de Mathias et a pensé que cela collerait entre nous – elle ne s’était pas trompée.
Mathias Théry, au départ, était intéressé par l’enfance, mais pas trop par la danse. C’est en visionnant le premier bout à bout qu’il m’a dit : “Ah mais j’adore apprendre les pas avec les filles et Muriel !”. Il aimait l’idée d’un film sur la danse qui ne s’adresse pas qu’aux passionnés, mais qui utilise la danse pour son rôle élémentaire : exprimer des sentiments. On voulait tous les deux un film d’enfance, un film de danse, un film qui contienne les contradictions de notre monde actuel où il faut se battre pour s’épanouir.
Pour nourrir le projet, on se montrait beaucoup de films sur l’enfance. On a aussi regardé des documentaires davantage liés à la danse ou à une pratique sportive intensive, avec l’idée de la bande de copines.
Mathias était plus que mon co-auteur, il était mon conseiller artistique. En tournage, je l’appelais à la rescousse dès que quelque chose coinçait. Il a aussi été très présent au montage pour m’aider à prendre du recul et à tisser les trajectoires de chacune, pour construire le récit. Nous étions à deux places complémentaires, moi sur le terrain, lui en retrait face aux images.
Le film reste toujours à hauteur d’enfant.
Avec Marie Vanglabeke, nous nous étions dit d’emblée qu’il était important de découvrir le monde à travers le regard de ces petites danseuses classiques. Cela permettait de poser les questions qui me tenaient à coeur : comment fait-on pour grandir dans ce monde qui demande un tel investissement, de tels sacrifices ? J’avais également le désir de les filmer dans leur chambre, dans leur intimité quotidienne, en dehors du cours.
Lorsque j’ai commencé à faire des entretiens avec ces quatre petites danseuses, j’ai été surprise par leur maturité. Notamment concernant leur désir. J’avais envie de comprendre si la danse était vraiment leur désir à elles, ou celui de leurs parents projeté sur leurs enfants, ou encore celui de Muriel. Aujourd’hui, je pense vraiment que c’est leur désir à elles. Et puis elles sont très flattées de faire partie de ce cours, qui a un esprit de bande.
Comment avez-vous choisi vos quatre petites danseuses ?
Je voulais qu’elles aient des âges différents, afin de parcourir à travers elle le spectre de l’enfance. Avec une trajectoire, une personnalité et des thématiques qui soient propres à chacune.
Jeanne, c’est la toute petite. Quand je l’ai vue à son tout premier concours, je me suis dit qu’elle serait parfaite. Elle était toute timide, suçait son pouce, était complètement en dehors de la bande des grandes qui avaient envie de se raconter leurs secrets. Tout le monde l’appelait “Bébé Jeanne”.
Olympe, j’ai tout de suite adoré sa personnalité, son univers, son imagination très dense, sa relation avec sa soeur aînée, elle aussi en horaires aménagés. Quand celle-ci voit débarquer sa petite soeur dans son monde à elle, ce n’est pas simple, même si elles s’adorent.
Quant à Ida, je savais que c’était une battante, très compétitive, et qu’elle avait une relation assez fusionnelle avec sa mère, qui avait elle-même fait de la compétition de ski dans sa jeunesse.
Marie, elle, entrait bientôt dans l’adolescence, son corps allait changer. Et puis à un moment, elle allait être confrontée à faire un choix entre le Conservatoire de Paris et le cours de Muriel…
La voix off des quatre petites danseuses n’est jamais surplombante.
Je voulais effectivement que l’on ne quitte jamais leur intériorité, que l’on soit immergé dans leur trajectoire, presque comme dans une fiction.
Pour les voix off, nous avons utilisé des propos qu’elles m’avaient dits en interviews, et que Mathias m’avait conseillé d’enregistrer au dictaphone – heureusement, car on n’aurait pas pu leur faire redire certains passages, très intimes, de manière aussi naturelle. Nous les avons mélangés à des paroles enregistrées en studio, mais en cherchant à retrouver cette résonance du in.
Les parents ont aussi une place importante dans le film.
Oui, car leur accompagnement auprès de leurs enfants et leurs encouragements sont primordiaux. Je les ai donc intégrés au récit mais en veillant toujours à rester à hauteur d’enfant. Ils n’ont pas de scènes à part, ils sont toujours intégrés à l’intimité des enfants.
Comment s’est passé le travail avec votre chef opérateur, Jérôme Olivier ?
J’aime son sens de l’esthétique. Il est très fort en lumière, tout en gardant un côté naturel, sans trop éclairer. Et puis il avait déjà signé la lumière de documentaires sur les adolescents : Les Charbons ardents et Les Roses noires d’Hélène Milano. Comme avec Mathias, on discutait beaucoup de cinéma, on regardait des documentaires sur la danse. Et puis l’année précédente, on est partis ensemble assister à un concours. Je voulais qu’il voie comment se déroulent ces journées très longues et intenses où beaucoup de choses se jouent émotionnellement. Je voulais qu’il comprenne ce que vivent ces petites danseuses et que l’on réfléchisse à comment on allait pouvoir filmer un tel événement.
On en a profité pour tourner un peu et mettre des micros HF à beaucoup de filles. D’elles-mêmes, plusieurs nous l’ont rendu en nous disant qu’elles en avaient assez ! Cela a permis de révéler celles qui avaient envie d’être filmées et celles pour lesquelles ce serait trop contraignant d’être ainsi suivies sur la longueur.
Quel était votre désir d’image ?
Je voulais une image douce et ouatée, dans les tons bleutés, une tonalité qui permet de faire ressortir la teinte des peaux et les mouvements de danse. On a donc mis des petits projos pour adoucir la lumière dans la salle de danse. Et on a couvert certains miroirs de rideaux, toujours dans cette tonalité gris bleuté qui met en valeur une main qui se crispe, un pied trop tendu, la langue qui ressort… Il y a toujours un point faible dans ces corps au travail.
Au début, on filmait beaucoup en plan large et en longueur pour installer une sensation de vérité et montrer à quel point la danse est répétitive et laborieuse, que le corps doit faire et refaire pour comprendre. Et aussi pour laisser le temps aux filles de se familiariser avec la caméra.
Jérôme aime filmer avec un pied. Pendant un moment, on a donc filmé très posé, ce qui était très bien pour nous faire oublier des élèves. Et puis il y a eu la rentrée, les avant le concours. Un stress s’installait, le film entrait dans une autre temporalité. Jérôme a alors quitté son pied.
Avec ma productrice, on s’était fixé environ trente jours de tournage étalés sur plusieurs mois, le film se termine sur le concours de Deauville, en décembre.
Comment avez-vous choisi ces jours de tournage ?
Lors des repérages J’avais pu observer ces élèves sur plusieurs années, je savais exactement comment une année se déroule, les enjeux, les échéances…
Et puis je commençais à bien connaître chacune de mes quatre danseuses, je pouvais devancer un peu ce qu’elles allaient traverser, et ce que je voulais en capter. Non seulement dans le cours, mais aussi dans leur quotidien. Je les appelais très régulièrement pour savoir où elles en étaient dans leur vie.
Et je leur avais demandé, à elles, à leurs parents et à Muriel, de me prévenir quand elles sentaient qu’il se passait quelque chose d’important concernant leur apprentissage de la danse et la préparation des concours.
Et avant chaque journée de tournage, je faisais le point avec Jérôme sur ce que j’avais envie de saisir le lendemain.
La scène où Ida se décourage pendant les répétitions est très émouvante.
Je ne l’avais pas exactement prévue mais je me doutais qu’il allait se passer quelque chose. À un moment, c’est normal, Ida allait craquer et je voulais saisir sa manière de s’en sortir, et les répercussions sur Muriel et l’énergie de ce groupe si soudé. Je savais notamment que Marie est extrêmement sensible et qu’elle-même était à un moment où elle savait qu’elle allait lâcher le cours. Si Ida craquait, cela allait forcément provoquer des émotions fortes en elle.
La scène où Marie regarde avec sa mère le tableau de mensurations des danseuses est aussi très forte.
Je savais qu’elle ne rentrait pas dans ces mensurations très filiformes et que cela lui posait un problème. Je lui ai donc dit que j’aimerais bien filmer ce moment où elle allait s’inscrire à l’école de l’Opéra, et donc se confronter à ce tableau. C’était important d’avoir accès à ces moments clés dans leur parcours de danseuse.
Comment Muriel a-t-elle vécu l’aventure de ce tournage ?
Au début, quand je lui demandais d’aborder certaines choses pendant son cours pour que l’on sente les enjeux du concours, elle m’envoyait balader, ça la saoulait. Au fil du temps, c’est elle qui m’appelait pour me demander ce que j’aurais aimé qu’elle aborde. Elle s’est prise au jeu et adorait ça. Par exemple, la séquence où elle parle à Olympe et sa mère de la solidarité que les deux soeurs doivent avoir, avancer main dans la main, elle le pense mais savait aussi que ce thème m’intéressait dans le récit d’Olympe.
La musique du film est signée Malik Djoudi.
Pour contraster avec la musique classique des cours de danse, je voulais de la musique pop électro, avec de la mélancolie ; pour moi, cet état est un sentiment lié à l’enfance et pour Malik aussi… Et je souhaitais aussi des rythmes saccadés, comme lorsqu’Ida court dans l’escalier, pour se rendre sur scène, au concours, et que la tension se resserre.
J’aime beaucoup le travail de Malik, c’était très chouette de collaborer avec lui. J’ai aimé construire une narration avec lui – je pense surtout à la fin du film. Sa musique nous transporte.
Le film se termine sur des chorégraphies plus libres…
Dans les cours de danse classique de Muriel, on voit ces élèves ancrées dans le langage de la danse classique, alors qu’enfermées dans leur chambre, elles dansent comme toutes les filles de leur âge. J’avais envie d’exprimer cet autre rapport à la danse et j’ai demandé à la chorégraphe Ingrid Bizaguet de travailler des chorégraphies avec chacune d’entre elles, en écho avec les thématiques de leur trajectoire. Je trouvais beau de revenir sur ce qu’elles avaient traversé pendant toute l’année en le condensant dans ce moment de danse dans la forêt.
Jeanne, c’était la thématique des débuts, refaire et refaire. Et comment trouver la liberté là-dedans. Pour Olympe, il y a un double sens : comment je me libère de ma relation à ma soeur et comment je me libère de mes trous de mémoire ? Ida, c’était comment continuer à danser malgré sa blessure à la hanche. Et Marie, c’est la question du choix : je suis perdue dans la forêt, comment choisir tel chemin et pas tel autre ?
Puis elles courent toutes les quatre, main dans la main. Je trouvais important de les revoir ensemble après ces séquences exclusivement centrées sur le concours avec Olympe et Ida.
Pourquoi avoir filmé ces chorégraphies en forêt ?
La forêt, c’est le lieu du conte initiatique. Elle nous sort du décor principal de la salle de danse et des autres lieux clos pour nous amener vers un ailleurs, plus onirique.
Le film est dédié à votre fille Alice…
Quand on a commencé à écrire avec Mathias, il m’a encouragé à la prendre comme personnage, comme lui l’avait fait avec sa mère dans La Sociologue et l’ourson. Il me disait que je l’aurais sous les yeux, dans son quotidien, que ce serait évident.
Sauf qu’Alice était ambiguë quant à son désir, ou non, d’être dans un film tourné par sa mère. Elle se posait aussi beaucoup de questions sur son envie de continuer la danse classique – elle a d’ailleurs fini par quitter le cours. Elle est donc sortie assez vite du projet du film mais j’ai tenu à le lui dédier car c’est grâce à elle que j’ai connu cette réalité, qui m’a donné envie d’en faire un film.
Les questions que je me pose dans le film avec les filles, je me les suis aussi posées avec Alice : a-t-elle envie de suivre ce cours pour être en bande, faire pareil que les copines ? Ou pour me faire plaisir car elle sait que moi-même quand j’avais son âge, je voulais faire de la danse ? Ou est-ce son désir à elle ?
Revue de presse
Critique de Samuel Douhaire pour Télérama : “Justesse et empathie”
Jeanne, Olympe, Ida, Marie rêvent de devenir danseuse étoile. Anne-Claire Dolivet suit ces petites filles de 6 à 10 ans dans leur apprentissage à la fois exaltant et douloureux, entre les leçons d’une professeure très à l’écoute et la préparation hyper sélective aux concours. Elle saisit avec justesse et empathie leurs espoirs, leurs doutes, leurs interrogations sur leur corps qui flanche ou se transforme trop vite. Cette chronique documentaire à hauteur d’enfant bénéficie de la personnalité très attachante des quatre danseuses, dont les témoignages en voix off rythment le récit sans tomber dans la mièvrerie. […]
Critique de Christophe Narbonne pour Première : “Tantôt bouleversant tantôt édifiant”
Un documentaire assez enthousiasmant sur la formation des futurs petits rats de l’Opéra. Avec un sacré personnage en vedette : leur professeure. Monteuse de formation, puis réalisatrice de sujets pour la télévision, Anne-Claire Dolivet signe ici son premier long métrage, un documentaire consacré à des fillettes qui rêvent de tutus, de pointes et d’Opéra de Paris. Avant d’y arriver (pas aux tutus et aux pointes, mais à l’Opéra Garnier), Ida, Olympe, Marie et les autres devront en passer par des cours privés donnés par l’intraitable Muriel, véritable “star” du documentaire. Revêche, autoritaire, vacharde, cette prof paraît tout droit sortie d’une comédie de Claude Zidi. “Souris bien, surtout si tu fais des erreurs”, dit-elle à l’une de ses élèves qui prépare un concours. Muriel n’amuse pas le terrain tout en maniant un humour féroce. Les enfants, comme leurs parents, en ont même un peu peur. Pourquoi confier sa progéniture à un tel dragon ? Parce que Muriel a des résultats : certaines de ses élèves réussissent, les preuves sont là. Alors, on fait profil bas. D’autant, qu’en grattant un peu, on s’aperçoit qu’elle a du coeur, Muriel. À Ida, qui vient de se froisser un muscle, compromettant ses chances à un concours, elle fait un câlin, les yeux embués de larmes, et lui promet de ménager son corps lors des cours suivants. Ida guérira-t-elle à temps ? C’est l’enjeu de la dernière partie de ce film tantôt bouleversant tantôt édifiant qui tend aux parents et aux spectateurs un miroir un peu déformant où une certaine gêne devant la souffrance des enfants le dispute à l’envie de voir leurs efforts récompensés.
Critique de David Fontaine pour Le Canard Enchaîné : “Une grande attention aux émois”
Elles ont de 6 à 10 ans et n’ont qu’un rêve : danser seules sur scène, réussir des concours… Mais ce rêve leur vient-il de leurs parents pleins de sollicitude, de leur prof affectueuse mais envahissante, qui les entraîne tous les après-midi ? Ou vraiment du plus profond de leur être ? […] Rien de très surprenant, mais une grande attention aux émois et aux élans de ces délicates apprenties ballerines, en prenant le temps de s’attacher au parcours de quatre d’entre elles, entre espoirs, blessures et premières victoires.
Autres films sur la danse classique
- Tout près des étoiles – Les Danseurs de l’Opéra de Paris de Nils Tavernier, 2001, 1h40
- Relève : Histoire d’une création de Thierry Demaizière et Alban Teurlai, 2016, 1h55
- La danse, le ballet de l’Opéra de Paris de Frederick Wiseman, 2009, 2h38
- Une étoile pour l’exemple de Dominique Delouche, 1988, 1h21
- Pina de Wim Wenders, 2011, 1h43
- Les rêves dansants de Anne Linsel et Rainer Hoffmann, 2010, 1h29
- Mr Gaga, sur les pas d’Ohad Naharin de Tomer Heymann, 2016, 1h43
- Graines d’étoiles de Françoise Marie, 2012, série documentaire
Voir aussi : Vitória Buono Boche, danseuse née sans bras